L’Œil qui Mord

Parfois, j’aimerais zigzaguer son nom,
Pas qu’elle soit plaie, mais l’ombre d’un pion,
Les souvenirs brûlent comme du papier mâché,
Chaque mot balafre, ça fait des ricochets.
Les regards s’écrasent, atmosphère béton,
“Il pense encore à elle”, murmure de plomb.
Dans leurs prunelles, une mer de sable,
Je traîne ce fantôme, un fardeau qui craque.

Automate enrouillé, j’me cogne aux secondes,
Espérer, c’est fumer du vent dans l’fond,
Les gestes se paument, une rengaine claquée,
La vie défile, corde raide, tout éclaté.
Sur le quai, les trains s’envolent en rafale,
Aucune rame pour moi, tous déraillent.
Est-ce la noyade, l’ivresse des cendres ?
Peut-être, mais c’est qui qui tranche ?

“Demain, le bonheur va frapper d’la tatane”,
Je ricane, ces promesses, elles s’font la malle,
Des “trucs bien”, j’en ai des pleines godasses,
Ma vie a tourné, mais tout reste dans l’impasse.
Tout s’écroule, comme des châteaux d’sable,
Les prêches s’usent, ça pue l’éphémère,
Tout l’monde gobe le faux clinquant,
Mais j’veux pas d’cette farce, j’suis pas dans l’jeu.

Moi, j’veux l’vrai, brut, pas maquillé,
Les failles, les bosses, un chemin cabossé,
Un tout, pas juste un reflet retouché,
Je voudrais parfois effacer son visage.
Quand j’gribouille ses traits sur mon carnet,
C’est du flou, un tremblement figé,
Une beauté cassée, un rayon qui blesse,
Une étoile sale, entre ombre et caresse.

La beauté, c’est pas l’objet bien poli,
C’est l’œil qui crache, qui mord, qui choisit,
C’est pas le reflet tout lisse qui s’dilate,
C’est l’regard qui bouscule, qui capte, qui rate.

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