Les vieilles légendes regorgent de héros et de monstres, de rois, de reines,de princes et de princesses. Elles racontent bien souvent les luttes entre le bien et le mal, les choix difficiles qu’impose le fait d’être faible ou fort ou d’avoir le pouvoir, ou de le perdre. L’histoire que je vais vous conter ne fait pas exception. Elle m’a été rapportée par un voyageur qui ne m’a jamais dit son nom. J’étais encore une enfant quand il m’a confié son récit et je m’en souviens encore des moindres détails. C’était un homme imposant à la voix grave qui ne semblait ne jamais vouloir trembler. Il était arrivé à l’auberge que tenaient mes parents, un soir de décembre alors qu’il tombait une pluie battante. Je me rappelle encore de son entrée et du silence qu’elle avait provoqué interrompant le tumulte habituel de la clientèle ordinaire.
Il faut dire qu’il était plutôt inhabituel qu’un homme se présente blessé de la sorte, alors qu’il n’y avait point de guerre ou de crime dans la ville ou dans ses environs. Ma mère, un instant figée par la surprise, a été la première à réagir et à se porter au secours de l’homme mais elle était bien frêle à côté du bonhomme qui faillit la faire s’écrouler sur elle-même lorsqu’elle le prit par l’épaule.
“Que vous est-il arrivé ?” s’était-elle empressée de demander, moins par curiosité que pour avoir des détails sur la blessure de l’homme. Mais lui ne répondit pas. Il gardait les traits crispés et fit signe à ma mère de le mener à une table sans poser de question.
“Apportez-moi à boire et un linge propre si vous voulez bien. Et ça ira.”
Il releva la tête une fois assis et toisa toutes les personnes de l’auberge d’un regard dur qui faisait froid dans le dos. Les gens comprirent à cet instant que l’incident devait être clos et qu’il devait ne plus rien en paraître.
J’étais dans l’ombre, derrière le comptoir, un peu morte de peur et un peu fascinée. Je regardais la scène avec insistance et mon père qui me vit ainsi, me dit qu’il était l’heure et m’ordonna de monter me coucher. J’ai mis quelques secondes à obéir et dans ce petit espace de temps, l’inconnu croisa mon regard. J’ai cru qu’il allait montrer de la colère rapport au fait que je le dévisageais mais il n’en fut rien. Il sourit au contraire et une lumière étrange brilla dans ses yeux. Il ne dit rien mais ce fut comme s’il me disait : “Approche.”. Et je pris peur. Je me détournai et je filai dans l’escalier en courant.