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– Tu vas bien, Jean ? Tu as l’air un peu… Perdu… D’un seul coup.

Jean ne répondit pas de suite. Il lui fallut réfléchir quelques secondes avant de trouver les mots pour la rassurer.

– Je vais bien, oui. Je vais bien, ne t’inquiète pas comme cela.

Marie retrouva son sourire qui s’était égaré l’espace d’un instant.

– Bon bah alors… Bonne année, mon bébé…

Et elle l’embrassa fougueusement et goulûment à tel point que Jean eut un léger mouvement de recul. Il jeta un oeil sur la pendule. Elle indiquait minuit passé d’une minute, le premier janvier deux mille douze.

– Ca me fait bizarre…

Jean regardait ailleurs, perdu dans ses pensées mais il avait entendu l’affirmation et répondit quasiment du tac au tac.

– Qu’est-ce qui te fait bizarre ?…

Marie colla sa tête contre son épaule et poursuivit :

– Bah, je ne sais pas exactement… Un peu tout. Je crois que c’est la première fois que je passe le réveillon en tête à tête avec quelqu’un. D’habitude, je le passe en soirée avec des amis et on sort en boîte. Cette année… Je le passe avec toi et…

– Et… ? Quoi ?

– Et… Je crois que j’avais un peu peur. Au début…

– Tu avais peur de quoi ? De moi ?…

– Nan… Bêta… Non mais je ne sais pas… C’est étrange nan ? Ce n’est pas la majorité des gens qui fêtent le nouvel an comme cela, non ? Tu crois que cela veut dire quelque chose ?

– Que cela veut dire quelque chose ? Comme quoi ?… Je ne vois pas où tu veux en venir….

Marie se redressa un peu.

– Bah, je me dis que ça marque le passage à quelque chose d’autre… Qu’il y a peut-être… Que c’est un truc comme un signe du destin ou un machin-chose dans le genre… Tu vois ?

Jean fut obligé de sourire.

– Non, je ne vois pas. Enfin… Si… Je comprends ce que tu veux dire mais je ne crois pas à ce genre de “signe”.

Marie fit la moue.

– Tu pourrais me dire “oui” pour une fois. Tu pourrais entrer dans mon “trip” des fois… Des fois, je me dis que… Des fois, je me dis que tu ne crois en rien. Je ne sais pas comment tu anticipes l’avenir mais souvent, je me dis que tu n’envisages rien. Comme si pour toi, demain n’existait pas. Et pour tout te dire, moi… Ca me fait flipper, rien que d’y penser.

– Et pourtant, tu es là, non ?

Marie s’extirpa des bras de Jean et se renversa sur la canapé en l’entourant avec ses jambes.

– Ouais… Je suis là…

Elle attrapa son paquet de cigarettes posé sur le rebord et s’alluma une clope.

– Ouais, je suis là…. Et mon petit doigt me dit que tu pourrais en profiter plutôt que de me laisser palabrer sur dans des discussions philosophiques à deux balles !

Jean regarda Marie. Il ne savait pas quoi lui répondre. Elle était tout ce qu’il n’était pas, lui. Expensive mais timide en fin de compte. Absolument angoissée par tout ce qu’elle pouvait entreprendre à moins de l’avoir planifié six mois à l’avance. Elle ne vivait jamais les événements de sa vie en direct. Elle déroulait un plan qu’elle avait élaboré et dont elle avait étudié toutes les hypothèses. Et elle ne s’en sortait pas trop mal au bout du compte.

– J’ai envie que tu me fasses un enfant… fit-elle.

– Là, tout de suite ?

– Et pourquoi pas ?

Elle écrasa son mégot dans le cendrier. Jean n’avait aucun argument pour refuser l’invitation. Pourquoi pas ? C’était la phrase-clef.

– Alors… Vos désirs sont des ordres, Majesté…

Et ils se jetèrent l’un sur l’autre comme s’ils s’étaient déclarés la guerre.

Au travers de la fenêtre du salon, le feu d’artifice engageait légèrement en retard le bouquet final.

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