Lettre à Louise

Lettre à Louise, Paris, 4 Janvier 2010

Louise,

Ca faisait longtemps que je n’avais pas pris le temps de t’écrire, ni même de chercher à savoir ce que tu deviens. Cela se compte maintenant en années sûrement. Je ne sais pas pourquoi, cela s’est produit, et je ne saurais t’expliquer pourquoi je n’ai jamais su mettre un voile d’oubli sur ce que l’on pourrait appeler notre relation, fût-elle si brève lorsqu’on s’attache aux dates officielles.

J’aurais plein de choses à te dire, à te raconter si j’en avais l’envie mais je n’en ferais rien. Ce n’est pas que je n’ai pas le désir de te conter toutes les choses que je n’ai pas su combler, toutes les filles aux aventures ratées, toutes ces soirées à attendre, à faire semblant de rire et de sourire pour musser au plus profond le masque de souvenirs, les sentiments et les ressentiments qui n’ont cessé de me hanter. Ce n’est pas que je n’ai pas cette attitude qui fait des gens, des personnes respectables quand elles ont réussi à nier leur passé pour mieux vivre leur présent, cette posture qui veut qu’on dise à l’autre que « je vais bien, ne t’en fais pas » avec cette pointe d’égoïsme, de reproche ironique. On ne sait pas ce que l’on contemple lorsqu’on laisse ces mots-là : si c’est notre inusable fidélité à nos moulins à vents, ou bien, si c’est seulement, notre éternel besoin d’entendre dans les paroles de l’autre, que l’on a été autre chose qu’un mouchoir en papier.

Non, je n’ai pas d’histoires à coucher dans ses lignes. Pourtant, tu me connais un peu, et tu sais, que je ne sais garder en moi, les tortures que mon propre cerveau m’inflige pour obtenir l’illusoire d’une rédemption. C’est pour cela que je t’écris. Je ne sais si, dans un coin de ta mémoire, tu te rappelles encore ce que je t’avais promis… Que de notre histoire, j’en ferais le récit, que chapitre après chapitre, j’en ferais le roman. Rassure-toi, je n’y ai pas mis l’essentiel, j’ai mélangé les personnages, les années, de la même manière que tu aimais tant quand tu lisais encore mon âme pour connaître l’avant.

[…]

Il neige ce matin, comme il y a quatre ans. Paris a des reflets intimes qui me rappelle les trottoirs d’Orléans. Il me souvient que nous aimions avoir froid pour nous tenir serrés un peu plus à chaque instant. Il me souvient que nous redoutions le printemps et l’été qui nous sortiraient de nos escapades d’amants. Et ce fut vrai. Et ce fut encore plus violent.

[…]

Où que tu sois, quoique tu lises en découvrant cette lettre, je veux que tu sois sûre que de toutes les résolutions que je ne prendrai pas, celle de te conjuguer au passé, celle de t’ôter de mon présent, ne sera plus jamais. J’ai encore feuilleté ces pages, effleurer la tranche de ce livre en me le demandant. J’avais encore des doutes mais là, définitivement, j’ai décidé d’abandonner notre intime à cette essence de moi que tu aimais tant.

Je te laisse sur ces lignes et j’espère que ton image gravée ainsi en fera autant.

Et même si je nous mens.

Samuel.

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