Mademoiselle Prune [juste l’intro]

Une rose blanche, rougie par le sang… Et dans le reste de l’immeuble, chacun vit sa vie, s’ils savaient… C’est ainsi. S’ils savaient, oui. Si seulement.

Mais l’ignorance est reine et plus personne ne fait attention à ces détails-là. Cela fait pourtant au moins vingt ans que ce rosier était là.  D’aussi loin que je me souvienne, ses fleurs ont toujours été blanches et la seule chose dont je me rappelle, c’est que tout le monde s’est demandé qui l’avait planté là. L’affaire avait fait l’objet d’une grande discussion à l’époque lors des réunions du syndic de copropriété.  Le concierge, M. Dauchard, qui aurait dû être au fait de ces choses, était absent, le jour où la société de jardinage est venue pour mettre en terre la plante. Et personne ne souvenait le nom de cette société. Au final, malgré des débats assez houleux sur les périmètres de responsabilité, il fut décidé de conserver le rosier. Un rosier aux fleurs blanches n’était pas si monnaie courante après tout.

Toujours à l’époque, aucun n’a fait le rapprochement avec l’emménagement de cette jeune fille d’à peine dix-huit ans dans l’appartement 7B : Mademoiselle Prune. C’est ce qui était inscrit sur la boîte aux lettres. Il faut dire que le logement n’était ni plus, ni moins qu’une chambre mansardée et c’était donc l’habitation idéale pour de jeunes travailleurs ou des étudiants pas très aisés. La demoiselle Prune était aussi discrète et sa présence très peu remarquable. Et pourtant, c’est à compter de cet événement que toute l’histoire a débuté.

Je m’appelle Nadine, j’ai soixante-quinze ans. J’ai été mariée mais je suis veuve maintenant, depuis… Un certain nombre d’années. Cela fait quarante-deux ans que j’habite la résidence Ornano, à l’angle de la rue du Colombier et de l’impasse du Tertre. Appartement 2A, celui qui donne sur la cour au premier étage. Je n’ai jamais rien vécu de formidable et pourtant j’en ai vu. J’ai vu défiler les gens et les années. J’ai vu naître mes petits-enfants et je les ai vus m’oublier. C’est le temps. L’évolution des choses. Depuis le temps que j’y pense, j’ai eu le temps de me révolter, de me résigner pour finalement voir que si les choses étaient ainsi, ce n’était peut-être pas dû à une quelconque dérive de la sacro-sainte société. Non. C’est juste la vie et son lot d’incohérences désordonnées. Mais je ne sais pas pourquoi je vous raconte cela car cela n’a pas de rapport avec l’affaire que j’ai à vous conter.

[…]

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