Trente secondes

Ca fait tout drôle de la sentir s’agripper et se presser contre toi. Ta première réaction est toujours un peu bête, ce n’est pas vraiment un geste pour la repousser, juste un geste maladroit pour lui montrer que tu n’étais pas préparé à cela. Mais elle, elle s’en fiche. Pour elle, ça fait partie du jeu et de toute manière, quoiqu’elle sache bien qu’elle n’aura jamais la loi physiquement, elle sait que tu céderas et que tu la laisseras conquérir le terrain. Tu respires ses cheveux et tu sens ses petites mains accrocher tout ce qu’elle peut attraper. Et toi, tu replies ton avant-bras gauche sous ses fesses et ta main droite vient se plaquer doucement sur son dos. En un instant, tu la sens respirer tranquillement et tu te sens bien aussi. Ca va durer trente secondes, une minute puis elle va vouloir faire de la balançoire ou courir après une araignée, mais c’est immense.

Tu sais que tu n’es pas vraiment à ta place mais tu sais aussi que rien n’est vraiment fait pour avoir sa place, que cela soit naturel ou bien que ce soit dû à un concours de circonstances. Je devrais te remercier de me laisser avoir ces moments-là. Je suis incapable de te décrire ni comment ni pourquoi, c’est important pour moi. Je n’ai jamais été doué dans les histoires simples et cela, tu le sais bien. Toi non plus d’ailleurs. J’ai toujours été à l’aise dans la vie ordinaire quand le décor ne convient pas ou bien quand on voit qu’il est un peu de travers. Je ne sais pas si l’on a un destin et je crois que si l’on me pose la question, je répondrais que non. Je répondrais que si les choses étaient tracées, rectilignes, que si les liens ne pouvaient se tracer sans s’emmêler à quelques autres, je crois qu’il n’y aurait pas grand chose à vivre, que notre vie ne serait alors qu’un long QCM dont on nous aurait soufflé les réponses à l’avance.

Sûr qu’on s’imagine parfois des scénarii, des scènes dont on maîtriserait les dialogues et le jeu des acteurs mais il faut bien reconnaître que tout ceci serait pauvre en émotion vraie. Alors les « vrais » moments, ça ne tient pas à grand chose, ça ne dure jamais des milliards de temps mais pour rien au monde, on ne voudrait les échanger contre autre chose de différent. Surtout pas ceux-là.

Et qui sait si un jour, on ne saura pas être dans leur prolongement.

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