Je devrais pouvoir sourire

Tu vois. J’aimerais que tu sois là, ce soir. J’aimerais avoir quelqu’un pour dire. Pour juste en parler. Ce n’est pas que je ne sais pas ce qu’il me faut penser, ce qu’il va falloir dire, le rôle que je vais devoir jouer, les mots qu’il va me falloir trouver pour ne rien troubler de l’instant.

C’est une bonne nouvelle à la base. Un truc qui devrait me réjouir et c’est le cas en fin de compte. Mais. Il y a un “mais”. Toujours la même chape de plomb. C’est un truc qui ressemble normalement au “plus beau jour de ta vie”, donc il ne faut pas le gâcher. D’autant que ce n’est pas le tien et que, toi, tu n’as rien à voir dans l’histoire. Tu n’es que le réceptacle de la nouvelle, celui qui doit renvoyer la lumière de ce bonheur de vie.

Mais je n’arrive toujours pas à trouver les mots. A extirper les mauvaises images, les faux sons, le souvenir des heures passées à me demander s’il me fallait sourire, être en colère ou bien pleurer.

Faut pas trop s’en faire. Ca va passer. Juste le temps d’atteindre le fond et de nouveau rebondir. Tu m’as demandé si j’en voulais “des qui soient à moi” ? Tu vois : ce n’est pas gagné. De quoi crois-tu que j’ai peur ? Non, pas de l’événement lui-même, car je suis sûr d’être vingt fois capable d’être à la hauteur. Non… J’ai peur juste de l’instant. Cet instant où je pourrais m’enfuir et tu pourrais essayer de toutes les manières de me raisonner : il n’y aurait rien pour m’influencer. Ca se jouerait, là, dans un recoin de ma tête. Un face à face avec moi-même : entre celui qui est capable de t’emmener avec lui et l’autre, le gosse déboussolé qui n’a jamais fini de régler ses comptes avec son passé.

On va encore me reprocher d’être inhumain. D’être impassible. De ne pas assez “exprimer” le bonheur ordinaire. Celui qu’on taxe de “normal”. On va me le reprocher comme on peut reprocher à celui qui a cru, de n’être qu’un assassin ou au moins un inconscient. Faudrait voir pour alléger tout ça… C’est sûr. Je vais y réfléchir.

Et quand je devrais décrocher, je devrais pouvoir sourire presque pour de vrai.

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