Je veux bien que tu m’envahisses mais je ne veux pas de ton occupation.

Je veux bien que tu m’envahisses mais je ne veux pas de ton occupation. Je veux bien que tu me prennes tout mais je ne veux pas avoir le sentiment de privation. Je ne sais pas si de ces mots, tu arriveras à comprendre ce que j’attends et ce que je n’attends pas. Je ne sais pas si tu sauras mettre mes mots au diapason de tes envies. En fait, je ne veux pas te dire que la situation actuelle me convient car elle m’empalerait sur le pieu d’un immobilisme qui n’est pas pour moi souhaitable. Il n’est pas néfaste non plus car il met en jeu ma propension à savoir apprécier ce qui est et non ce que j’imagine être le mieux pour moi. Ce n’est pas quelque chose d’évident à saisir avec notre propre lucidité mais il est certain que le mieux auquel on pense est toujours perclus des infractuosités qui font que notre “idéal” s’écroulera de lui-même. Nous ne savons jamais ce que est le plus profitable pour nous. On le pense, on le croit et parfois on peut même en être certain mais ça n’a rien à voir avec la réalité. Si je pense que ce serait mieux que je puisse prononcer les mots “je t’aime” pour mettre en lumière un sentiment qui me poursuit depuis maintenant des années, rien que le fait que je puisse dire qu’il me “poursuit”, cela veut bien dire que ce “coming-out” qui exploserait comme ça, sans contexte, sans permission, sans but, irait se perdre parmi toutes ces déclarations que les autres peuvent faire sans même y penser réellement. Alors, oui, je veux bien t’avoir à l’orée de ma forêt, mais je ne veux pas que tu pénètres l’ombre de ses arbres, que tu piétines le parterre de feuilles mortes qui se sont entassées au fur et à mesure de chacun de mes automnes. Si un jour, je veux te dire “je t’aime”, je veux que tu puisses entendre “je vous aime”. Je veux que tu puisses saisir ce qui te revient comme ce qui revient à elles sans qu’il n’y ait une quelconque comparaison à faire entre ces affections. Je ne veux pas quand tu entendras ces mots que tu imagines que j’essaie de planter mon drapeau sur ta terre comme les explorateurs d’antan pour dire que ce territoire leur appartenait. Pour moi, l’amour que je peux donner ne m’appartient pas. Ce n’est pas une denrée qui se monnaye, avec laquelle on organise un quelconque échange de bon aloi. Ma loi n’a pas cours dans ton pays comme dans le leur et pourtant, je suis libre, libre d’être heureux, heureux de contempler des sourires et de sourire pour vous le faire comprendre sans même prononcer un mot.

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