Nous n’avions rien à faire ensemble.

Nous n’avions rien à faire ensemble. C’est vrai. Nous étions différents. Des histoires sans rapport l’une avec l’autre, des familles et une éducation complètement à l’opposé. On ne sait pas trop comment c’est arrivé, on sait juste que nous n’avions rien à faire ensemble et c’est la seule conclusion à laquelle nous sommes arrivés.

Nous n’avions rien à faire ensemble et pourtant il a fallu que nous rencontrions ce jour-là. Peut-être qu’avec le recul, il aurait mieux valu que nous nous cassions chacun de notre côté une jambe, cela nous aurait permis d’économiser une bonne dizaine d’années. Et pourtant, que pouvions-nous faire à l’époque puisque nous savions même pas que nous allions échanger quelques paroles de rien durant cette soirée. Quand on regarde de là où nous sommes aujourd’hui, ça nous paraît évident mais quel est notre poids face à une trajectoire sur laquelle nous étions condamnés à marcher. La faute à qui ? A nous ? A nos amis ? A nos proches ? A tous ceux qui ont cru bien faire, à tous ces rendez-vous arrangés ? Bien en peine, celui ou celle qui sera capable de se lever et de tendre le bras bien haut pour dire : “Je le savais et j’ai toujours su que tout ceci avait un goût de trafiqué”.

Je me suis sans cesse demandé : “Pourquoi ?” sans trouver l’ombre d’une réponse. Je crois que toi comme moi, nous n’avons fait que constater et même nous contenter du chemin parcouru au lieu de continuer à rêver.

Nous n’avions rien à faire ensemble et peut-être que c’est nous qui ne sommes pas doués. On ne sait pas où ça commence et l’on ne sait pas plus comment tout arrêter. Peut-être sommes-nous tout simplement lâches, incapables de prendre une décision sauf si elle nous est imposée. Comment avons-nous pu être si aveugles, si peu avertis sur ce qui fait l’essentiel et ce qui ne doit pas nous faire pleurer ?

Nous pouvons faire le tour des circonstances atténuantes : nous en avons chacun un plein wagon trop chargé. Nous avions chacun nos exigences : que l’autre comprenne et nous apprenne à marcher là où nous avions autrefois trébuché. Nous étions dans l’attente et au final, infichus de mettre un pied devant l’autre pour nous empêcher de tomber. C’est souvent dur à admettre que nous nous sommes trompés. Mais qui a trompé l’autre ? Nous ne sommes même pas certains de pouvoir le dire sans douter.

Je suis certain que quand tu regardes par la fenêtre et que tu les regardes jouer, tu te dis encore “peut-être” ou bien que c’est la preuve que l’on peut tout rater : même le bonheur à partager. Peut-être est-ce là tout simplement notre légèreté ou la preuve vivante de nos croyances que tout peut revenir à la « normale ».

Combien de fois nous aura-t-on dit qu’avec le temps, tout passe, tout se fait et tout s’arrange ? Combien de fois nous aura-t-on dit que ce sentiment de gâchis n’avait pas sa place dans ce qui nous arrivait ? Il faut être comptable des belles choses que la vie nous offre, il paraît, et pour le reste, il faut faire l’impasse, se dire que c’est juste un mauvais moment à passer.

Combien de fois l’illusion a-t-elle failli se briser et nous étions là à ramer, à écoper, à rafistoler cette peinture que nous voulions pleine de lumière à Noël, pleine de chaleur en été ?
Nous n’avions rien à faire ensemble et pourtant, aujourd’hui, il faut encore s’en soucier. Se dire que si l’on oublie, ce n’est pas que nous, qui sommes concernés. On nous apprend plein de choses à l’école sauf à savoir comment se comporter quand on en arrive là, quand on a dérapé.

Nous n’avions rien à faire ensemble et pourtant, ce matin, je suis encore là pour me le ressasser. A chercher une réponse pour nous le prouver.

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