A ses côtés 3 [extrait]

— Je crois que je suis naïf ou bien en proie à quelques doutes et tu n’as rien à voir dans l’histoire (tu n’en es pas la cause). Là : c’est encore dans ma tête que tout se passe. Quand je dis que je prends les jours les uns après les autres pour ce qu’ils sont, ça ne veut pas dire qu’il ne m’arrive pas d’avoir des jours où j’anticipe… Je ne crois pas qu’on puisse empêcher le mécanisme de se déclencher dans la tête. Je n’ai vu aucun bouton marche/arrêt et aucun prise à débrancher… Y a la prise “principale” sinon, mais j’espère que tu ne m’en voudras pas si je te dis que je n’ai pas nécessairement envie de tenter l’aventure.

» Je te mentirai si je te disais que je n’envisage pas les choses vues sous ton angle. En fait, en vérité, c’est même l’angle de vue principal que j’utilise. C’est normal, si t’y réfléchis, si t’en restes au mien, ça ne sert pas à grand chose. Ca confirme juste des trucs que je nommerais “évidences”. Enfin pour moi. Peut-être pas pour toi.

» Je suis sûr que tu t’es posé au moins une fois la question de comprendre ce que je faisais encore là. Je suis même sûr que tu le sais mais que pour toi, tu es partagée entre deux envies : l’envie d’y croire, l’envie de croire aussi qu’il y a peut-être un ailleurs. Il y a ce que tu sais. Tu me connais un peu maintenant. Tu sais que je ne suis pas qu’une suite de textos et de bout de papiers à noyer dans le bain de souvenirs biodégradables. Je ne suis pas biodégradable.

» Y a aussi les noeuds… Et je conçois aussi que c’est compliqué de détricoter les choses. Quelle est la part de toi, d’elle ou d’elle qui fait que… Mais si t’y penses bien. Il n’y a rien de changé. Il y a des couches qui sont venues se superposer mais la fondation reste la même. Tu connais mon histoire et tu sais ce qu’elle représente. Tu l’acceptes bien sinon tu m’aurais depuis longtemps éloigné. Mais est-ce que cela se substitue ? Non. Ca s’ajoute. Pour moi. Après… C’est toi. Je ne te donne pas les choses que je te donne dans l’espoir que tu me rendes quoique ce soit. Je sais bien que la “logique” va faire que… Mais est-ce que c’est important ? Tu ne sais pas comment me donner quelque chose ? Essaie au moins. N’attends rien en retour et tu verras. Tu n’as jamais tenté de faire cela. Tu as tenté de me séduire autrefois. Mais aujourd’hui. C’est bon. C’est déjà fait ça. Je ne te demande pas de relever le même défi jour après jour. Ce que j’ai besoin, moi. C’est que tu sois toi… Que tu vives, que tu ris, que tu m’engueules, que tu pleures. Que tu continues à me faire découvrir les autres parties de toi-même que j’ignore. De quoi as-tu peur ? Que je m’enfuis parce que l’une d’elles ne me plaira pas ? Mais… Il y a déjà une multitude de choses qui ne me plaisent pas chez toi, qui me dérangent…. Et après ? C’est toi. Je ne vais pas te demander autre chose que d’être toi… Je vais peut-être te critiquer, je vais peut-être t’engueuler, ou ne rien dire. Mais ça change rien. Je n’ai pas peur de ça. J’ai confiance dans ce que j’éprouve pour toi. J’ai confiance aussi en toi. Comme j’ai confiance aussi en Clara. Aie confiance en moi. En elle aussi. Et tu me dis que je n’arrive même pas à faire les choses moi-même… Mais tu voudrais quoi ? Que j’ailles voir ailleurs une nouvelle fois, que je fasse un enfant à cet ailleurs que je revienne à toi avec ça en trophée ? Non. Ca, je ne le ferai pas et tu sais bien que ce n’est pas possible. C’est juste un délire. Du moins… Je l’espère.

Paul se tut. Il lui sembla que même la mer interrompit sa respiration pendant quelques instants. Il n’osa pas regarder Dorothée. Tous les mots étaient sortis en même temps et peut-être pas dans l’ordre. Il avait compris ce qu’elle avait essayé de lui dire mais fallait-il qu’elle emploie ces mots-là ? Elle ne s’en rendait peut-être pas compte mais en procédant de la sorte, elle se révélait incroyablement cruelle. Et sûrement peut-être injuste. Mais ceci, ce n’était pas à lui de juger.


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