A ses côtés [reprise]

On raconte beaucoup d’histoires autour de l’amour et aussi, on se raconte beaucoup d’histoires, nous-mêmes. On aime beaucoup y croire. On aime beaucoup imaginer qu’on est heureux même quand on ne l’est pas. Et puis, des fois, sans vraiment qu’on y prête attention, sans vraiment qu’on le réalise, on la rencontre : notre histoire.

Ça commence généralement de manière assez inattendue. C’est un peu comme une espèce de moment de grâce. Et puis, on déchante car on voudrait que ça ressemble à ce que l’on a dans la tête. On imagine mal les moments de malaise, les moments où l’on doit commencer à s’apprendre l’un et l’autre, comprendre que pour que ça dure, il faut enlever la couche de passion, celle de la séduction et ajouter celle de la confiance. Et cette perspective, elle est tout simplement flippante. Elle donne le vertige. Il paraît qu’il y a des personnes qui y arrivent, qui ont le courage de s’accrocher mais généralement, c’est plutôt la fuite qu’on choisit.

Ensuite, on commence à se souvenir. Au départ, on ne veut pas en parler parce qu’on a l’impression d’être ridicule. On n’a pas envie d’être vu comme quelqu’un d’inapte, comme un débutant ou une débutante. On a toujours l’impression que les autres en savent plus que nous et on a honte de ça. Et puis, au bout de quelques jours, parfois quelques mois ou quelques années, on trouve les mots et une oreille pour les entendre. On se raconte et on réinvente un peu l’histoire. On ne la transforme pas mais on enlève simplement les séquences un peu gênantes, celles dont on n’est pas fier. Et l’oreille devient des bras… Et les bras deviennent un corps, un lieu où l’on peut se réchauffer et où l’on peut superposer nos souvenirs. On sait très bien que ce n’est pas bien comme attitude. On sait très bien qu’on est en train de tromper le coeur qui bat à l’intérieur de ce corps. Mais c’est plus fort que nous. Alors, on se trouve des excuses et des fois, le coeur qui bat à l’intérieur de ce corps, lui, il sait se contenter de cela. Des fois, ça peut être parce qu’il découvre toute l’ambiguïté des sentiments. Alors, il se laisse faire et il se laisse guider, sauf que celui qui conduit, n’en sait pas plus que lui. Pire, il est dans le flou le plus complet et il navigue à vue.

C’est généralement à partir de ce moment que les choses dérapent. Pourtant, personne n’en a vraiment envie. Tout le monde tente tant bien que mal de garder autant que possible la main, le contrôle. Mais ce contrôle n’est qu’une illusion. Les histoires se mêlent et se mélangent tout comme les sentiments. C’est à ce moment-là que l’on comprend que l’on n’ira jamais là où notre envie voudrait nous emporter. C’est à ce moment-là qu’on se rend compte qu’on aura toujours un train de retard et que l’on sera toujours en train de courir pour le rattraper.

Alors on va courir, on va se voir faire des choses improbables, avoir des gestes et des paroles qu’on aurait jamais pensé avoir. On va enfoncer des portes ouvertes, se jeter contre des murs en imaginant qu’ils finiront par se briser. Et au bout du bout, il n’y a rien qui va se dérouler comme prévu, comme on s’était raconté l’histoire. On va donc se résigner à traverser des déserts. On va chercher à se pardonner une faute imaginaire. On va même trouver des pseudo solutions, des sortes de cache-misère.

Puis on va revenir sur notre histoire, celle du début, celle avec qui on a commencé à être quelqu’un. Celle qui nous ressemblait un peu mieux. Et l’on va prier, chercher à la retrouver. Mais entre temps, il y aura sûrement eu des mois, voire des années qui se seront passées, assez pour que, parfois par dépit, parfois, résigné ou même parfois juste par le jeu des circonstances, la donne aura changé. On ne sera plus deux. On n’a jamais été deux mais simplement, on l’a cru et cela rendait les décisions plus simples, même si, à l’époque, on avait l’impression que ces choix-là allaient remettre en cause toute notre vie. Ce n’était pas tout à fait faux mais ce n’était pas non plus la réalité.

Ce n’est qu’à partir de cet instant-là que si on se force un peu, on commence à comprendre. On commence à percevoir le fil du temps. On se rend compte qu’il n’est pas lieu de se presser, comme il est maladroit de croire que l’on a tout son temps. On a déjà commencé à perdre des amis, on a déjà enterré quelques amours. On sait que les relations ne se construisent pas en deux jours. On va donc faire des choix mais surtout, des compromis.

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