Je ne vais pas te le dire mais je voudrais que tu l’entendes

Il est des gens qui ne restent toute leur vie qu’une idée, un concept, un idéal. Ce sont des gens qui n’ont pas de vie propre que celle qu’ils tracent en prenant les virages que les autres leur proposent. Il est des gens qui ne savent pas dire non, qui ne savent pas choisir. Ce sont des gens qui ont un appétit de vie tel qu’ils ignorent ce que sont les hauts ou les bas, les plaisirs et les déceptions. Ce sont des gens pour qui tout se vaut. Non pas qu’ils estiment qu’il ne faut pas accorder de la valeur aux choses mais simplement, pour eux, le pire n’est pas l’ennemi du bien. L’idée n’est pas de s’extraire d’une certaine moralité, des codes, des préceptes… Non. Rien de tout cela. Simplement, pour ces gens-là, l’idée que l’on puisse penser qu’une chose est strictement négative ou strictement positive en fonction d’un référentiel de valeurs unique : c’est quelque chose qui rentre le domaine de l’impensable. Je ne peux pas vous expliquer dans le détail le pourquoi du comment… L’origine, la « cause » qui fait que des gens comme cela puissent exister. Sûrement que quelque part, ce n’est pas « normal » de dire cela. Dans une certaine réalité, c’est même complètement déconnant mais pourquoi nier ?
A chaque étape de la vie, on apprend systématiquement que ce qu’on nous présentait comme cadre définitif à l’étape précédente était le summum de la vérité. Si l’on ne comprend pas, il suffit d’admettre. Peut-être que cela peut se heurter à des convictions plus ou moins profondes, à un vécu plus ou moins chahuté mais on trouve toujours quelqu’un dans l’étape « d’après » pour nous expliquer qu’en fait, il ne faut rester à ce qui paraissait le sommet de la montagne hier et qui aujourd’hui, ressemble simple à la petite butte qui pointe en altitude à pas plus de vingt mètres au-dessus du niveau où l’on est. A partir de là, on te laisse le choix. Soit tu t’arrêtes là et tu t’établis. Soit tu continues de « jouer » et tu remets des pièces dans le monnayeur. Ensuite, c’est juste un problème de moyen… Si tes moyens sont réduits, tu sentiras bien vite que l’étape d’après sera comme un voyage sans retour et surtout sans garantie de pouvoir atterrir quelque part. Si tu es dans l’option opposée : rien ne peut t’arrêter. Même pas tes propres limites. Il y a sûrement un côté « jusqu’au boutiste » dans cette démarche mais est-ce un élément suffisant pour se préserver ? Et si ça marchait. Et si finalement, tout ce qui paraît aujourd’hui comme un vrai pensum, demain, ce n’était qu’une formalité.
Qu’on se comprenne bien, il s’agit pas de nier la dureté des choses, ni la difficulté. Il ne s’agit pas de nier que la douleur, les choix intranchables ne soient que des fantasmes. La douleur est juste liée au « rite » de passage.
Je n’ai jamais compris si cela correspondait à une formule « magique » ou si cela tenait à une certaine tolérance à l’inconcevable. Tout ce que je sais, c’est que ça passe et c’est comme ça. Le truc qui pouvait te paraître « débile » hier, devient un repère et parfois même, le pilier sur lequel tu vas être amené à construire l’escalier pour atteindre le « niveau » suivant. S’il m’est permis de faire l’analogie, la vie me fait parfois penser à ces jeux de plateformes auxquels je pouvais jouer quand j’avais un âge moindre. Il y a avait toujours les joueurs qui restaient bloqués à un niveau, ceux qui passaient au niveau d’après au travers des « power-up » et autres « astuces » qui permettaient de passer au suivant sans faire le tableau en entier et enfin… Il y avait ceux qui y allaient de manière laborieuse sans mettre cinquante bonus de côté et qui finissaient le niveau en slip mais en ayant franchi les pièges, les chemins tortueux prévus pour ce type de personne… Je ne parle pas des joueurs qui étaient capables de passer le tableau en fermant les yeux…. Déjà, c’était excessivement rare car on peut être doué mais tout a une limite. D’autre part, la question pouvait se poser ensuite de savoir ce que ce genre de personnes était capable de tirer comme conclusion en ignorant totalement ce qui pouvait présenter des non-évidences. Forcément la conscience de l’autre est amoindrie. Le référentiel étant faussé au départ, il était pratiquement impossible d’envisager une issue « positive ».
Maintenant que tout ça est dit… Pourquoi j’explique cela ? Bonne question. Ce n’est pas une envie. Ce n’est pas l’idée d’un défi. Ce n’est pas comme se jeter à corps perdu dans un vide interstellaire. Non… C’est juste un besoin. C’est juste une réalité. C’est juste l’idée d’un autrement. Les sentiments ne changent pas mais tout bêtement, on en fait autre chose. L’autre n’est pas étranger. L’autre n’est à l’opposé. On se dit juste qu’on doit pouvoir converger. Convergence.
Je ne maîtrise rien et je ne veux pas nécessairement maîtriser vraiment « l’étape d’après ». J’ai besoin d’être juste en phase avec une réalité de sentiments. Je ne peux pas me dire qu’il y a des routes sur lesquelles il y a un chemin tout tracé et d’autres où c’est l’impasse totale. Tant qu’on n’a pas goûté, on ne peut pas faire la grimace. Même pas en arguant qu’hier, ce n’était pas vraiment ça. Au final, si on était honnête avec soi-même et avec l’autre, l’immuable « attirance » ne peut pas faire pshitt et s’en aller. Ce n’est pas un tableau blanc que l’on efface d’un simple coup de chiffon. En tout cas, moi : c’est le cas. Sûr qu’il y a eu de l’eau qui a coulé sous le pont. Sûr que le temps a laissé des cicatrices. Mais sûr aussi qu’il m’a laissé les yeux brillants. Comme avant. Mieux qu’avant. Car je ne vois plus un idéal mais je te vois toi. Tu n’es pas nue. Tu n’es pas obligée. Je veux juste savoir mettre des mots et des couleurs sur le tableau. Je veux savoir là où il faut que ce soit bleu, là il faut que ce soit rouge. Je ne veux pas qu’on me demande si c’est ça ou ça qui me guide. Il n’y a rien qui me guide. J’ai juste un besoin et une conviction qui peut se satisfaire des pires contraintes. J’enfoncerai sûrement des portes ouvertes, et je me prendrai sûrement le panneau de celles qui sont fermées mais je ne peux pas ne pas tenter de faire le nécessaire. Je ne peux pas reculer. Je ne veux pas mettre en péril des choses qui sont belles. On peut oublier d’y mettre la patine mais même sans ça, ça brille, C’est beau.
Je ne vais pas te dire ce que tu as considéré comme un gros mot parce que tu as pensé un moment que je l’avais prononcé sans vraiment l’avoir en moi. Je ne sais pas faire ça. Je ne vais pas te le dire mais je voudrais que tu l’entendes.

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