Neuf millimètres

C’est comme un grand silence, une chape de plomb. C’est comme une prison où il n’y aurait plus de sons, plus de mots. Les émotions sont ternes. Il y a comme un vernis amer sur les façades de cette maison. On a passé tellement de temps dans un berceau d’illusions que le retour sur terre ne compte plus les changements de saison.
Rien ne s’arrête autour. Il faut avancer alors on avance et on en oublie les raisons. Ou presque. Les autres. Il faut avancer pour eux. Il faut faire comme si, même si le reste est vide de sens. Mois après mois, semaine après semaine, la vie quotidienne reprend ses droits. On échange des mots avec des inconnues qui deviennent des amies du fait de la répétition. A chaque fois, c’est comme une sorte de compétition, il faut que quelque chose ait changé depuis la dernière discussion. Autour d’un repas, d’une coupe de cheveux. Alors, on cherche. Faute de mouvement, on raconte ceux des autres. Ca comble les blancs. Ca fonctionne un temps.
“Mais toi ?” me dit ma coiffeuse.
“Ce n’est pas important. Ca reviendra.”
“Et ta serveuse ?”
“On verra…”
Sourires.
“J’espère bien.” me répond-t-elle en me frictionnant la tête.
J’opine du chef. J’ai envie de lui dire que moi aussi “J’espère bien”… Ce n’est pas que j’attende vraiment un changement, ni que je le souhaite mais s’il arrive, ce sera comme briser un peu ce silence et réduire la distance avec le genre humain.
“Neuf millimètres ?”
“Ca serait pas mal… Ouais.”
On essaiera un autre calibre, la prochaine fois.

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