La fille aux cheveux rouges

On aurait dit une fille de mauvaise vie, avec ses cheveux rouges, ses jupons trop volants. Son âme était résille quand on ne s’aventurait pas assez prudemment. Peut-être qu’une brindille l’aurait mariée au vent, quand elle se faisait manille entre les amours vaines et les bonheurs trichants.
Au gré des reculades, des « j’veux aller de l’avant », elle était une petite fille qui ne savait pas vraiment, où ses marées montaient, eaux vertes déssalants, sur les prés qui fleuraient le zénith rasant. Il y avait toujours la trace de rouge sur le bord de ses lèvres, celle qui dépasse, celle qui te lasse parce qu’elle dessine cette image, cette silhouette qu’elle n’aime pas vraiment, celle qui résiste, qui se colle à ton col même si elle ne te laisse aucune trace de sang. Du sang, il n’y en avait qu’à l’éveil, après la vie, après Ménilmontant, après qu’on ait cousu l’hier sur cet intestin grêle qui va en se nouant. On parcourt le présent avec les mains dans le dos, on joue à la marelle mais l’amour c’est flippant. C’est comme un grand bal pour débutants, on se marche sur les pieds alors qu’on voudrait bien, qu’on voudrait tant. Une valse parfois, un tango sur trois temps, un coup pour faire comme si, un autre, le temps qu’on ment, et le dernier pour en écrire le roman.
Elle avait ses paumes ajustées sur le bord des paupières, le nez retroussé par la brise et un sourire qui embrassait le ciel telle la figure de proue d’un vaisseau immobile… Le dos cambré, les hanches esquissées sur le roulis arrière de la mer des marins naufragés en quête de sa terre. Quand on fermait les yeux, on la voyait encore, comme une empreinte que l’on ne peut défaire, comme une chevalière qui s’agrippe aux doigts. Quelles ombres oseraient griffer la piste, l’avant-bras du funambule qui équilibre l’artiste quand il travaille les cavités hautaines et les méandres d’une veine… On aura beau lui dire que c’est le dernier métro, l’instant qui se gaine avant la tombée du rideau… Sans cesse, sans égard, ni même le soupçon d’un hasard, c’est l’absurde des alluvions les dérisions de sa Seine. Elle est le bébé, l’éternel renouveau, l’impitoyable rengaine de l’enfance sacrifiée à l’autel de ce qu’on croyait être de marbre, mais un peu plus chaud, celle dont on se fait le refrain d’une indicible chanson.
Elle ferme les yeux, le derme à l’épicentre du tourbillon de la vie, des reflux dont on ne sait toucher ni la fin, ni l’extrême. Elle termine le voyage sur l’encolure qui s’est étendue là, dans les étoiles anciennes de pupilles amoureuses, casée, comme ça au creux de ces bras la ceignent tout en l’ayant perdue.
[…]

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