Amnésie

“Ca doit être difficile pour lui aussi. On se fait du souci pour elle mais ça doit pas être simple non plus de son côté… Tu crois pas ?”
Comment veux-tu que je te réponde ?
“Oui.”
Je suis partagé. Partagé entre le sentiment d’acquiescer pour que tu comprennes que “oui” et le sentiment que la question est absurde ou irréelle. Tu l’aurais posée à quelqu’un d’autre que moi… Je n’aurais pas eu ce sentiment bizarre de ne pas être. Il n’est guère le temps de penser à moi, à ce que je peux penser, ressentir… Je n’ai pas à être en ce moment… Mais le simple fait que tu puisses me poser cette question me renvoie au fait que je ne suis pas. Que je n’ai pas été. Que le souci qu’on peut témoigner envers les gens, n’est que le reflet de la préoccupation que l’on a de son bien-être à soi. Ca ne devrait pas être ainsi mais plus les années passent plus ce sentiment se précise, se renforce.
Peut-être, est-ce l’amnésie du moment. Peut-être que je n’ai pas su retranscrire mon histoire. Je ne demande pas de pitié, pas d’aide, pas de conseils sur la manière d’affronter les conséquences des dérapages d’une vie. Non. Juste entendre.
“Tu te rends compte… C’est compliqué de prendre la décision.”
Oui. Je sais. C’est tout aussi compliqué que quand on te la confisque. La décision en elle-même ne porte pas à conséquence, c’est l’acte, l’événement qui en découle qui ne passera jamais. Tu peux coller toutes les justifications du monde, crier… Envoyer la responsabilité valdinguer dans les pattes des autres. Tu es une partie de l’Alpha sans lequel l’omega n’est pas.
J’ai tant écrit sur le sujet, tourné en rond, regardé le mur. J’ai même ouvert la fenêtre pour essayer de renouveler l’air. Je t’ai même laissé regarder un peu l’intérieur pour que tu comprennes.
Que veux-tu que je réponde ? As-tu seulement l’envie d’entendre cette réponse ? Est-ce que le fait qu’aujourd’hui je ne sois pas celui qui est concerné, te rendra plus audible le témoignage que je pourrais apporter ?
Je souris sans envie. Evidémment que non. Et si je me tais cette fois, tu pourras toujours venir me le reprocher. Sauf que je ne le souhaite pas.
“Ca doit être difficile pour lui aussi.”
Je te laisse juste ce “oui”. Pour le reste, tu n’as qu’à te le broder.

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