C’est un peu comme la première fois que l’on dit “je t’aime”

C’est un peu comme la première fois que l’on dit “je t’aime”. On ne sait pas comment le dire, on ne sait ne pas si c’est le moment. On a autant de chance de tomber à côté que de viser en plein le mille. Je crois qu’on ne décide pas du moment où l’on devient père. Ce n’est pas une histoire de gènes, de sang ou de quoi que ce soit. Il est des gens qui fuient cela. Je ne suis pas de ceux-là. Il ne faut pas leur en vouloir parce que c’est quelque chose qui ne s’explique pas. Il y a des gens qui le deviennent par la force des choses. Ils se mettent avec une fille, un jour et puis, ça se fait. C’est la “formule magique”.

Moi, je voulais te raconter une histoire qui n’a rien à voir avec cela. Je voulais commencer par “il était une fois” mais je me suis dit que tu n’allais pas y croire au final et que tu te dirais que dans tout ce que j’ai à te dire, il n’y aurait rien de vrai. Alors je me suis dit que j’allais peut-être commencer mon récit par “Tu te rappelles ?” mais à la vérité, c’est inapplicable puisque là où commence mon histoire, tu n’étais même pas née.

Là, je vois que tu commences à froncer les sourcils en te demandant sur quel malade mental, tu es tombée… Tu vas peut-être aller à la fin de la lettre pour savoir de qui elle est signée pour savoir de qui elle est. Je ne t’en voudrais pas, tu sais. C’est, on ne peut plus, normal. Lorsque tu vas découvrir qui t’écrit cette lettre, tu vas peut-être te dire : je ne le connais pas, “lui” et par conséquent, pourquoi il m’écrit quelque chose ? Et là, j’ai envie de te dire que je n’en sais pas plus que toi. Enfin… Si… Peut-être que j’en sais un peu plus que toi. Au moment où je t’écris cette lettre, j’aimerais pouvoir me tromper sur l’avenir. Je n’aime pas l’anticipation parce qu’elle m’a toujours fourvoyé. Elle m’a toujours emmené sur des chemins que je n’aurais jamais empruntés. Le “problème”, oui… Parce qu’il y a toujours un “problème” qu’on le veuille ou non, c’est qu’on ne maîtrise rien et que si l’on veut donner à quelqu’un l’entièreté d’un sentiment, la “vérité” de l’instant, on n’est obligé de l’écrire dans le présent. Après… Tout se déforme, tout prend la forme d’un récit que l’on remet au bout du jour pour qu’il soit cohérent et plus beau qu’il n’était à l’origine. Ca pourrait te faire dire que les gens ne sont pas honnêtes mais, tu vois, même ça, ce n’est pas vrai. Les gens sont simplement flippées juste à l’idée que l’on se rende compte que l’histoire est chaotique et qu’elle est foutue d’impasses dans lesquelles on est resté un jour…. Quelques mois ou bien un paquet d’années. Les gens ne sont pas faits pour pouvoir dire un jour “je t’aime” et un autre, “je t’ai aimé”. Pourtant, tu vas me dire que ce n’est pas compliqué et moi, je vais te dire “chut” : ne dis rien que tu pourrais regretter.

Il y a peut-être des gens qui te raconteront que j’avais tout pour faire un “père”. Il y a même des gens qui pourront te dire qu’ils m’ont “vu” l’être. Elles sont sincères, ces gens. Elles ont juste oublié la vérité ou plutôt fait le pari qu’il était plus adroit d’oublier les circonstances et d’en rester juste au réel. Ce sont des gens “bien”… Ce sont des gens qui croient à autre chose que la soupe qu’on nous sert tous les jours et qu’on nous dit être “apparentée” au bonheur…

C’est un peu comme la première fois que l’on dit “je t’aime”. On nous a tellement rabâché le cliché du “comment ça devra être”.

Pratiquement. si tu veux savoir la vérité, je n’ai aucune raison de revendiquer quoique ce soit par rapport à toi. Peut-être que si tu t’en rappelles dans un coin de ta mémoire plus tard, tu te diras : “oui, maintenant, je comprends mieux”. Tu n’as rien à voir avec moi. Pire que cela… Tu as été la “tentation du substitut”… Je n’ai jamais perdu de vue cet écueil. Ce “risque”… Alors… Tu vas me dire… C’était quoi “ce risque” ? Le risque, c’était tout simplement que je te prenne pour qui tu n’étais pas. Avant d’en arriver là… Avant d’être dans cette situation… J’ai eu une histoire. Même plusieurs, pour être honnête. Doit-on me considérer pour autant comme un cavalier blanc ou un cavalier noir ? Tu comprendras qu’à une telle question, je ne suis pas qualifié pour répondre. Je sais ce que je ressens. Je sais ce que j’ai ressenti. Je sais ce que j’ai fait ou pas. Quant à te dire si tout ça était plutôt du côté du bien ou du côté du mal, je suis la dernière personne à qui il faut poser la question. Et puis même : qui peut répondre à ça ? A part le crétin ou l”illuminé de service ? Si je te dis que je t’ai “perdue” une première fois et que ce n’était pas “toi”, je pense que tu sauras reconstruire le puzzle toute seule. Il était là le risque… On n’invente pas d’histoire à partir de ça. On ne peut pas jouer du violon pour s’attirer ce qu’on appelle la “compassion” parce que de toute façon, c’est une chose que l’on a en horreur. On veut juste pouvoir en parler en toute liberté. On ne veut pas de la gaine de la “bonne société”. On ne veut pas des canons de “beauté”. On voudrait pouvoir juste dire “je t’aime” sans que cela soit interprété.

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